all-embracing view

à propos de la contribution

Ce pan.able ancre dans un premier temps l’attention des lecteur.ices dans un portrait de regardeuse pour dévoiler progressivement et successivement une diversité de dispositifs de monstrations d’images aux finalités contrastées. Le recours au cadre conceptuel de l’approche instrumentale (Rabardel, 1995) nous paraît heuristique pour mettre en évidence l’activité instrumentée du regard dans des temps et lieux différents. La problématique de notre recherche se concrétise par l’entremise d’un dispositif visuel non pas pour clôturer l’analyse, mais pour accompagner la genèse des regards en train de se faire.

En effet, si les lecteur.ices découvrent dans un premier temps un portrait de regardeuse, les questions présentes de chaque côté du portrait les invitent à naviguer soit du côté de l’objet de l’activité de cette regardeuse (« Que contemple-t-elle ? »), soit du côté de l’instrumentation de son regard (« Comment regarde-t-elle ce qu’elle regarde ? »).

Les questions activent le déplacement des lecteur.ices dans les différents pôles du modèle conceptuel qui constitue le cœur de l’approche instrumentale : l’instrument (le dispositif de monstration d’images), le sujet (le Regardeur ou la Regardeuse) et l’objet de l’activité (Faux Terrain)

Ainsi les questions successives permettent aux lecteur.ices de se déplacer au sein des deux séries photographiques d’Arno Gisinger (Betrachterbilder et Faux Terrain) pour aborder la question du formatage du regard par l’intermédiation du dispositif panoramique de la fin du XIXe siècle, celui de la bataille de Bergisel à Innsbruck (1809).

En contrepoint du panorama qui conditionne le regard, les lecteur.ices sont ensuite invité.es à découvrir la double série (Betrachterbilder et Faux Terrain), exposée en face à face au sein de la Schirn Kunsthalle de Francfort, dans une scénographie qui favorise l’émancipation des regards. En effet, chacun.e peut au gré de sa déambulation et de sa cohérence singulière, réagencer les images exposées dans la rotonde.

Par ce geste scénographique au sein de la pan.able qui conjugue prismes photographique et conceptuel, réitéré dans une diversité de contextes, nous invitons les regardeur.euses sur .able à prendre progressivement conscience du cadre de leur regard par la mise en visibilité des dispositifs de monstration des images par l’entremise de représentations graphiques. Quand il y a genèse du regard, en premier lieu, le regard trébuche, est empêché de voir comme à son habitude. Puis, si et seulement si l’expérience s’ouvre, alors se transforment de concert le monde regardé et le.a regardeur.euse dans l’entrelacs du regard. C’est en déambulant dans la mise en scène des reprises successives du travail photographique et scénographique d’Arno Gisinger par l’entremise du cadre conceptuel de l’approche instrumentale que les regardeur.euses de la revue .able entrent en contact avec la profondeur expérientielle de leurs propres regards. Ce sont donc les reprises successives qui donnent forme à l’expérience du regard qui se sédimente en une superposition, un cumul de mondes à la manière des poupées gigognes. Cette mise en abyme se prolonge en un geste réflexif invitant les regardeur.euses de .able à se retourner sur leur propre regard au sein du pan.able.

Cette publication par l’image ambitionne d’ouvrir un programme de recherche-création intitulé « Genèse des regards », à la croisée des champs de l’ergonomie, de la photographie et de l’éducation.