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l’alchimie de la couleur

éclairer les nanomondes

Olga Flór & Jean-Marc Chomaz - 23 mars, 2023

la langue originale de cet article est l'anglais

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à propos de la contribution

« L’alchimie de la couleur – éclairer les nanomondes » est un projet de recherche-création imaginé pour mettre à l’épreuve les certitudes de nos perceptions, en exposant des objets d’or et d’argent sculptés à nanoéchelle, invisibles à tout procédé optique, qui a donné lieu à deux installations complémentaires : A Thousand Shades of Green, an Attempt – nanolithographies, une nanogravure sur un disque de verre, et Alchimie de la lumière – nanosculptures.

Colorer est un geste artistique, une utilisation sensible de la lumière associée à la perception visuelle humaine. Mais colorer relève aussi de processus physico-chimiques associés à l’interaction entre les photons et la matière moléculaire des pigments et des encres. Les couleurs des nanoparticules procèdent d’une autre interaction lumière-matière. Plus petites que les photons qui les frappent, les nanosculptures métalliques s’électrisent et dévient la course de l’arc-en-ciel. La couleur n’est plus ici une propriété moléculaire d’absorption de la lumière par des pigments ou des colorants, mais une résonance qui rend tangible la forme. Cette résonance photonique de la lumière avec des textures nanométriques appartient à la famille de la coloration structurelle. Elle diffère de cette dernière par les interférences qui se produisent lorsque l’objet est plus grand, d’une fraction de micron, soit environ la moitié de la longueur d’onde du photon. Les pigments classiques absorbent la lumière, comme les plantes : elles apparaissent vertes, car la chlorophylle absorbe le bleu et le rouge du spectre visible.

L’un des objectifs anciens de l’alchimie était de transmuter la matière, le plomb en or, le cuivre en argent. Dans le présent projet, les sculptures nanométriques qui interfèrent avec la lumière sont faites d’or et d’argent, et l’alchimie se réfère ici à la transmutation des photons en plasmons. Dans une inversion des rôles, des artefacts invisibles d’or et d’argent effectuent, devant les spectateur.ices, la transformation alchimique de la lumière, produisant de nouvelles couleurs, comme si la lumière et les couleurs étaient de la matière.

A Thousand Shades of Green, an Attempt représente l’essai de nanogravure, par lithographie électronique, d’un milliard de cylindres en or de diamètre grandissant – de 50 à 100 nanomètres – sur un disque de verre de 2 cm2. La gravure, d’une surface trop grande par rapport aux techniques actuelles (limitées à 1mm2), se retrouve arrachée par endroits au cours du processus, laissant apparaître un monde d’irisations vertes, orange et bleues.

Alchimie de la lumière nanosculptures sont deux installations qui ressemblent à des cabinets de curiosités, créées pour l’exposition « OU\/ERT » à Bourges (2019) et Bourges Contemporain 2021. Les formes en verre, isolées ou créant un paysage, changent de couleur en fonction des transformations de la scène lumineuse.  Les formes soufflées contiennent des nanoparticules métalliques, produites par assemblage chimique, qui émettent mille nouvelles nuances de vert selon l’angle de notre regard. La solution aqueuse de nanoparticules apparaît ainsi verte en lumière directe et orange ou bleue en transparence.

Les deux installations constituent ainsi une forme moderne de vanités. Dans la peinture classique, les biens terrestres, l’argent, les instruments scientifiques ou encore les symboles de la connaissance étaient représentés éparpillés ou brisés sur le sol, pour évoquer le fait que tout cela reste vain face à une réalité supérieure, inaccessible, transcendante. Ici, la nanogravure du disque est brisée et les parfaites nanosphères d’argent et d’or sont invisibles, et ne révèlent leur présence que dans la transformation de la lumière en de multiples nuances de couleurs qu’elles performent, la dimension sensible prenant le dessus sur la sensibilité du contrôle.

crédits

auteur.ices : Olga Flór, artiste et designer et Jean-Marc Chomaz, artiste physicien, Laboratoire d’hydrodynamique, CNRS-École polytechnique, Palaiseau, France.

en collaboration avec : Giancarlo Rizza, physicien et chercheur au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Vincenzo Giannini, chercheur à l’Institut pour la structure de la matière, Madrid, Espagne, et les chercheurs du département des sciences appliquées et de la technologie, Politecnico di Torino, Italie.

Sébastien Joulie et Caroline Bonafos, Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales, Toulouse, France ;

Jean-Michel Wierniezky, souffleur de verre, École polytechnique, Palaiseau, France ;

Hynd Remita, Mireille Benoit et Anaïs Lehoux, chercheuses en chimie physique au Laboratoire de Chimie-Physique, CNRS-Université Paris-Sud, Orsay, France.

médiation éditoriale : Julie Sauret

design graphique : Olga Flór

relecture : Nolwenn Chauvin

droits et références

droits et références iconographiques

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Jean-Marc Chomaz et Olga Flór. 2020. L’alchimie de la couleur – Éclairer les nanomondes. Copyright 2021 par les auteur.ices. Reproduit avec l’autorisation des auteur.ices. Photos : Olga Flór

références et bibliographie

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Chen, Yifang. 2015. « Nanofabrication by electron beam lithography and its applications: A review ». Microelectronic Engineering 135 : 57–72

Colomban, Philippe. 2015. « Nanoparticules et couleur, une tradition millénaire ». Photoniques, 37–41.

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. 1765. Édité par Denis Diderot et Jean d’Alembert. Volume 12. Paris (première édition) :
« Perroquet rouge et vert », 398 ;
« Perroquet vert commun », 399 ;
« Petit perroquet vert », 399 ;
de Jaucourt, Louis. « Perroquet vert varié », 399 ;
de Jaucourt, Louis. « Perroquet tapissé », 400 ;
de Jaucourt, Louis. « Plumes des oiseaux », 800.

Gangnaik, Anushka, Yordan Georgiev et Justin Holmes. 2017. « New Generation Electron Beam Resists: A Review ». Chemistry of Materials 29, n° 5 : 1898–1917.

Hooke, Robert. 1665. Micrographia: or, Some physiological descriptions of minute bodies made by magnifying glasses. Londres : J. Martyn et J. Allestry.

Kolle, Mathias. 2014. « Photonic Structures Inspired by Nature » (thèse de doctorat). https://doi.org/10.17863/CAM.16723

Kinoshita, Shåuichi. 2008. Structural Colors in the Realm of Nature. Singapour : World Scientific Publishing Co.

Mouchet, Sebastien et Olivier Deparis. 2021. Natural Photonics and Bioinspiration. Boston, MA : Artech House.

Pluchery, Olivier, Hynd Remita et Delphine Schaming. 2013. « Demonstrative experiments about gold nanoparticles and nanofilms: an introduction to nanoscience ». Gold Bulletin 46, 319–327.

Ruste, Jacky. 2013. « Microscopie électronique à balayage – Principe et équipement ». Techniques de l’ingénieur (10 mars) : https://doi.org/10.51257/a-v3-p865

Schaming, Delphine, Olivier Pluchery et Hynd Remita. 2014. « La ruée vers le nano-or ». Pour la Science, n° 444 : 32–38.

Schaming, Delphine and Hynd Remita. 2015. « Nanotechnology: from the ancient time to nowadays ». Foundations of Chemistry 17 : 187–205

Sun Cheng, Erich Müller, Matthias Meffert et Dagmar Gerthsen. 2018. « On the Progress of Scanning Transmission Electron Microscopy (STEM) Imaging in a Scanning Electron Microscope ». Microscopy and Microanalysis 24, n° 2 : 99–106.

Venel, Gabriel François et Louis de Jaucourt. 1765. « Paon – Paon du Tibet ». Dans Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Édité par Denis Diderot et Jean d’Alembert. Volume 11, 830–833. Paris (première édition).

Bergström, Ingvar. 2014. « Les trois catégories de vanités en peinture ». vanitesamsterdamhttps://vanitesamsterdam.wordpress.com/2014/04/08/les-trois-categories-de-vanites-en-peinture/

pour citer cet article

La citation de cet article est au format Chicago

Chomaz, Jean-Marc et Olga Flór. 2023. « L’alchimie de la couleur : éclairer les nanomondes ». Revue .able https://able-journal.org/fr/l-alchimie-de-la-couleur

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1. Reproduire toutes les nuances de vert d’une plume de paon. Des couleurs qualifiées de surnaturelles par Robert Hooke, scientifique anglais qui, en 1665, s’étonnait que la plume mouillée devienne grise.
10. Des chercheuses du laboratoire de chimiephysique transcrivent dans de grands cahiers les secrets pour produire des nanosculptures d’or. Suivant leur forme, un plasma rouge, bleu ou vert embrase leur surface lorsqu’elles sont éclairées.
19. Comment donner à voir des sculptures dont la taille est plus petite que celle de la lumière ? Ces nano-objets en or ne révèlent leur forme que par cette couleur changeante qui a fasciné Robert Hooke.
28. Un second prototype beaucoup plus grand a été réalisé pour expérimenter et donner à voir l’évolution lente des solutions de nanoparticules.
2. « […] le centre est d’un beau noir luisant, en forme de cœur, entouré d’une couleur verte changeante, qui, à certains aspects, paroît être d’un beau violet ou d’un bleu éclatant » – Entrée « Paon » dans L’Encyclopédie, Daubenton, Venel, Jaucourt, 1765.
11. Le mélange et la réduction de sels d’or et de réactif chimique permettent à la cinétique chimique de créer des formes.
20. Les plumes des oiseaux et les ailes de papillons sont les écrins naturels de ces nanotextures qui leur confèrent leur couleur et leur irisation particulières.
29. Vers la création d’un mobile composé de formes de verre multiples où performent des empilements de nanotriangles d’or et d’argent, donnant des teintes dichroïques verte et orange.
3. Ces couleurs iridescentes proviennent de la dispersion de la lumière par la texture des plumes à l’échelle de 1/10 de micron (100 nanomètres), texture que nous avons tenté de reproduire en gravant une couche d’or sur un disque de verre.
12. La transmutation se fait par radiolyse, une exposition au rayonnement ionisant intense de la source gamma du laboratoire, protégée dans un bunker sous des mètres de terre et de béton et sur lequel pousse une nature luxuriante.
21. Pour les solutions de nanoscuptures que les chercheuses alchimiques ont fabriquées pour le projet, nous voulons effacer le contenant et le support, afin de ne laisser voir que la couleur.
30. Ces nanoparticules or-argent sont créées au laboratoire de chimie-physique par une réaction de réduction rapide, étonnamment oscillante. La couleur dépend de la taille de l’empilement de triangles – pour le vert, ces nanosculptures font 50 nanomètres.
4. Le projet semble vain : la machine la plus perfectionnée au monde est capable de graver 100 millions de nanocylindres d’or sur une surface de 1 mm² ; et il nous en faudrait 2 cm². Malgré cela, un laboratoire à Turin parvient à relever le défi et réalise deux tentatives de gravure par faisceau d’électrons.
13. Seules les personnes habilitées portant un dosimètre, qui mesure leur irradiation, peuvent franchir la porte du bunker. Comme transcrit sur le cahier, le flacon contenant les sels d’or sera placé à une distance précise de la source et irradié.
22. Au lieu d’intégrer et de stabiliser les nanoparticules dans la composition du verre comme savaient le faire les verriers romains qui créèrent la coupe de Lycurgue et dont la technique s’est perdue, la transparence du verre est ici utilisée pour observer leur fusion avec la lumière.
31. L’objet de verre contenant les nanoparticules se comporte tel un cristal. La couleur change selon l’inclinaison de la lumière que les plasmons (plasmas à la surface des nanosculptures) dispersent.
5. Un mince film de silicone est déposé sur le verre puis gravé par le faisceau, l’or vaporisé se dépose dans les gravures. Mais en retirant le film, geste qui doit se faire à la main, une partie de la gravure est emportée.
14. Les rayons réduisent lentement les sels et l’or pur ainsi formé s’assemble en nanobâtonnets, dont la longueur augmente avec le temps d’exposition et détermine la couleur. Pour le vert, l’irradiation est de 8 heures.
23. Un premier prototype est réalisé par le souffleur de verre de l’École polytechnique en déformant un disque de verre en fusion par une plaque de carbone hérissée de 35 pointes d’acier.
32. Lorsque les nanoparticules sont mélangées de manière homogène, la couleur dominante est l'orange.
6. Demander l’impossible a forcé la technologie à lâcher prise. En échouant, la tentative de briser la séparation d’échelle en gravant à l’échelle nanométrique un objet macroscopique, a plutôt produit un nanomonde irisé que nos doigts font interagir avec la lumière.
15. Ces nanosculptures sont plus petites que la lumière visible (longueur d’onde de 0,4 à 0,7 micron) mais un microscope électronique peut en révéler la forme. Pour cela, une goutte de solution de nanoparticules est déposée sur une minuscule grille avant d’être introduite dans l’appareil.
24. Un réseau de 35 cavités de 2 centimètres de profondeur est ainsi créé pour recevoir chacune une solution de nanosculptures différente.
33. Au repos, les nanoparticules sédimentent. Les strates du nuage qu’elles forment traduisent l’équilibre entre la gravité et le mouvement brownien. Les variations de concentration entraînent tout un jeu de couleur.
7. Jusqu’à présent les plus grandes nanolithographies mesuraient au plus un millimètre. Le disque que nos doigts font jouer avec la lumière constitue une tentative de briser la séparation d’échelle entre les nanomondes et nous.
16. La première image réalisée par les chercheurs du CEMES de Toulouse montre la nanooeuvre, un enchevêtrement de bâtonnets d’or tous identiques, de 50 nanomètres de long.
25. Ce disque viendra se poser sur un grand cylindre de verre lui aussi créé à façon.
34. Le moindre mouvement de l’objet de verre rompt cet équilibre fragile.
8. Mais les oiseaux ne gravent pas les nanotextures de leurs plumes, le patient processus de l’évolution leur a appris à laisser opérer la cinétique chimique, et ainsi les instabilités qui en résultent et qui créent dynamiquement ces nanoformes.
17. Le faisceau d’électrons est absorbé par les nanoparticules. L’ombre ainsi projetée est déformée par des champs électromagnétiques intenses (comme dans les anciennes télévisions cathodiques) et apparaît sur l’écran de l’opérateur.
26. Le cylindre est rempli de glycérol, dont l’indice optique est le même que le verre. Les interfaces des cavités sont ainsi rendues invisibles, laissant seulement percevoir les alliances des nanoparticules en solution avec la lumière.
35. Sédimentation de la couleur après deux semaines d’immobilité.
9. Pour reproduire en laboratoire l’infinie complexité de formes (galaxies, paysages, ADN…) produites par ces systèmes hors équilibres très simples, physiques ou chimiques, il faut inventer des recettes alchimiques.
18. L’image se focalise, révélant jusqu’à l’ombre de chaque atome : des grains de 0,1 nanomètre dans un bâtonnet d’or de 50 nanomètres.
27. Nous avions choisi des nanosculptures à dominante verte. La couleur change selon la taille des cavités et la lumière : du jaune au bleu, du rouge au mauve. Nous découvrons avec surprise que ces teintes se modifient au cours du temps, signe que les nano-objets évoluent, vivent.
36. Un paysage se crée du mouvement des nanoempilements de triangle or-argent, univers minéral en devenir dont l’interaction surnaturelle avec la lumière performe l’alchimie de la couleur.